Après la signature de l'armistice, c'est la libération des camps.
Près de deux millions de soldats français ont été capturés dans la débâcle de mai-juin 1940. Ils sont encore près d'un million à rentrer en 1945, après cinq ans passés en terre ennemie.
retour de prisonniers gare de l'est
Pendant cinq ans, ils ont compté les jours, les mois et les années vécues loin de leurs familles et de leur pays.
La France où les prisonniers de guerre reviennent en 1945 est bien différente de celle qu'ils ont quitté en 1940.
Malgré la joie du retour, les retrouvailles sont parfois difficiles avec un pays si éloigné de celui qu'ils avaient laissé et dont ils ont rêvé pendant leur captivité, et dans lequel il faut réapprendre à vivre.
retour de prisonniers
Dès les premières villes traversées, ils découvrent une France marquée par les misères de la guerre, les destructions, la pénurie.Ils sont surpris de trouver des boutiques si mal achalandées et des tickets pour se procurer des produits rationnés.
Le premier contact avec la France est source de déceptions : impression d'indifférence, impatience devant les opérations administratives nécessaires à la démobilisation.
Un ancien prisonnier résume bien l'ensemble des déceptions des rapatriés : "je suis très déçu, voir écoeuré, de constater la mentalité actuelle des gens. Chacun ne pense qu'à soi. Depuis ma rentrée, je ne fais que courir de tous côtés, renvoyé de bureau en bureau, et toujours accueilli de façon décevante."
Le retour au foyer est à la fois joie et découverte d'autres effets, passagers ou durables, de la captivité.
La aussi, pendant cinq ans, on a vécu sans eux, même si l'image de l'absent était soigneusement entretenue. La vie a continué.
On trouve malheureusement des drames de séparations définitives d'avec une fiancée, voir d'une épouse.
Même dans les couples restés unis, il fallait "se réhabituer".
Les pères découvrent des enfants grandis sans eux et qui les accueillent comme des étrangers.
(Environ la moitié des prisonniers de guerre était marié, un quart d'entre eux était père de famille)
Cinq années de séparations ont aussi été marquées de deuils.
La reprise des activités se fait sans trop de peine pour les paysans revenus à la ferme familiale, pour les artisans si leur atelier n'a pas périclité en leur absence. Elle est plus longue et difficile pour les salariés, qui ont été remplacés, et malgré les lois qui prescrivent leur réemploi en priorité.
La santé de beaucoup est altérée par les séquelles de longues privations, de mauvaise nourriture ou d'absences de soins appropriés. Certains, plus gravement atteints, devront même se soigner dans des centres avant de reprendre une vie normale et le travail.
Enfin, ces soldats souffrent d'une mauvaise image.
La France célèbre entre autres les héros de la résistance. Mais l'image des captifs de l'an 40 reste, jusque dans leur propre esprit, associé à la débâcle subie cinq ans plus tôt. Ils symbolisent la défaite, l'origine de l'occupation.
Ils ont souvent été les mal-aimés de la libération. Leur parole a été discrète et leur écoute rare. Ils sont les oubliés de la mémoire collective.
Encore aujourd'hui, les documentaires, articles, livres sur la guerre ne parlent quasiment jamais d'eux, ou de façon très succinte.
J'ai encore pu le vérifier il y a un mois, en juin 2010, où on commémorait les soixante-dix ans de la débâcle, et où on n'a parlé que de l'appel du 18 juin et des héros qui ont suivi le Général de Gaulle.
Leur histoire reste dans l'ombre. Souvent, ils se sont enfermés dans le silence, ne parlant pas de cette époque. Pourtant, ils se sont battus en première ligne en 1940, et se sont rendus sous les ordres du gouvernement, et l'épreuve de la captivité a été aussi douloureuse, privés de leur famille, de leur jeunesse, loin de leur pays, ne sachant pas quand ils reviendraient.
Que ce blog et tous les autres blogs, sites et forums que j'ai pu trouver dans mes recherches puissent leur rendre hommage.