"Le stalag IVB était bien imposant par sa grandeur et par le nombre de ses baraques, installé au milieu de la plaine et entouré d'une triple haie de barbelés de deux mètres cinquante de hauteur."
(Il y a dix blocs de quatre baraques, plus une baraque d'aisances par bloc. Le camp comprenait donc quarante baraques de logements et dix de latrines.)
latrines stalagIVB copyright : Anne Jans
"Le camp était séparé en deux par une grande rue principale, avec une rangée de baraques de chaque côté. Au centre, autour d'une place, étaient disposés les cuisines, la cantine, et les haut-parleurs qui diffusaient quelques morceaux de musique et les informations en Allemand.
rue principale stalag IVB copyright : Anne Jans
Chaque baraque était double, avec les lavabos disposés au milieu. Dans chaque corps de baraque étaient logés deux cents prisonniers sur des paillasses en paille de bois, disposées sur des lits de bois quadruples et à trois étages.
intérieur de baraque stalag IVB copyright: N.Uchtmann
Le batiment était chauffé au charbon dans un genre de four en briques qui gardait à la chambre une température douce.
Dans la baraque, défense de fumer. Attention au défaillant qui se faisait prendre. Son casse-croûte sautait.
douches stalag IVB copyright : Anne Jans
Dans chaque baraque, il y avait un adjudant français comme chef de baraque, sous les ordres d'un Allemand, avec quatre ou cinq sous-officiers comme chefs de groupe, et un interprète. Deux ou trois balayeurs étaient aussi affectés à chaque baraque pour le nettoyage de la carrée.
A cinq heures, tous les matins, avait lieu le réveil et le jus, plutôt de l'eau tiède, et à six heures, appel par une sentinelle allemande. C'était idiot de nous faire lever de si bonne heure pour ne rien faire de toute la journée!
appel stalag IVB copyright : N.Uchtmann
Pendant les heures de travail, de huit heures à onze heures trente et de treize heures à seize heures trente, personne ne devait s'absenter de la baraque. A tout moment, un Allemand pouvait venir chercher des hommes de corvée pour le camp, pour l'épluchure de patates en particulier, corvée qui n'était pas intéressante. Par le froid, rester deux ou trois heures au milieu de la cour près de son tas de pommes de terre, par n'importe quel temps, n'avait rien d'envieux, aussi les amateurs volontaires n'étaient guère nombreux, sauf pour la resquille.
Mais ici encore, il ne fallait pas se faire prendre emportant des tubercules. Après chaque séance, avait lieu une fouille. Cela n'empêche qu'il en passait quand même et que d'autres se faisaient prendre. Plusieurs subirent le passage à tabac, la suppression du repas, et le sort du garde à vous avec les bras verticaux pendant plusieurs heures comme punition.
parade des gardes stalag IVB copyright : Barry Seddon
Vers midi, avait lieu le repas. On nous servait un seau entre quinze, ce qui nous faisait environ trois ou quatre quarts de rata ou de soupe dans la gamelle. C'était souvent un genre de mélange de farine et de pommes de terre ou de choux, soit une soupe aux nouilles, ou bien des patates en robe des champs, sans pain et sans viande. Ce repas était en général bien préparé, mais maigre en quantité, surtout que c'était le seul repas de la journée.
cuisine stalag IVB
L'après midi, vers quatre heures, on nous servait un genre de thé ou de tisane, comme le matin, et un casse-croûte : une boule de pain de cent à cent cinquante grammes entre cinq et une petite rondelle de saucisson ou de boudin, et une très petite portion de graisse ou de confiture.
Avec ce régime, pas de danger de prendre des forces. A la plus petite besogne, on était à bout.
cantine stalag IVB
Le soir, près de la cantine, avait lieu tous les jours un marché clandestin, souvent d'objets prohibés, tels que les briquets, qui étaient mis en vente par les fouilleurs de l'arrivée. Les marchandises étaient des plus diverses: cigarettes et tabac, linge, boites de conserve, pommes de terre à un mark la gamelle, betterave quinze pfennigs la pièce, un cinquième de boule de pain un mark, stylos, rasoirs, montres, tout s'y trouvait dans ce genre de marché aux puces. Mais tout avait l'inconvénient d'être hors de prix. Les marchands revendeurs existaient nombreux parmi ceux qui étaient au camp depuis le début. Tous les moyens étaient bons et les trucs les plus imaginaires employés pour améliorer le sort de notre pitance. Aussi, les "cuisiniers" étaient nombreux le soir autour du poêle, attendant son tour pour faire valoir ses moyens culinaires avec le minimum d"atouts.
A la cantine, on vendait de la bière, et toute la camelotte qui peut servir à la toilette, mais tout avait l'inconvénient d'être très cher. En ce moment-là, était mis en vente un ersatz de miel en petit pot d'une livre, et qui faisait fureur malgré qu'il était loin de valoir le miel. Pour s'approcher du guichet, comme partout ailleurs, il fallait faire la queue un long moment. Ce miel était un mélange de glucose et d'une préparation de betteraves. Il n'avait pas mauvais goût, mais manquait de sucre.
Cantine française
Les nouveaux-venus dans ce camp, où soixante quatorze mille soldats nous avaient précédé, passaient une soi-disant visite médicale et étaient vaccinés par la même occasion contre la typhoïde, à une cadence surement record.
carnet de vaccination Joseph Moalic
Comme loisirs au camp, il n'y avait que les sempiternelles parties de cartes du matin au soir.
Le jeudi et le dimanche, le théâtre, qui se jouait dans une salle réservée à cet effet. Les artistes, des prisonniers, étaient pour la plupart vraiment acteurs professionnels des salles de Paris et de grandes villes de province. Ils nous jouaient de jolis morceaux créés par eux sur des évènements actuels. Ils avaient fait un décor par des moyens de fortune et avaient créé un joli orchestre. Aussi, les spectateurs étaient toujours très nombreux. Pour avoir une place, il fallait louer ses places deux ou trois jours à l'avance au prix de quinze reichpfennigs la place.
théâtre et orchestre stalag IVB copyright John and Maggie Robertson
Dans cette salle, tous les dimanches, se disaient deux messes. La salle était toujours trop petite .
messe stalag IVB copyright : Barry Seddon
Les bobards ne manquaient pas non plus ici. Mais on n'y faisait plus autant attention, étant lassés de les entendre depuis déjà quatre mois. Dans ce camp, tous les Bretons étaient recrutés à part et groupés ensemble dans les baraques. Sur ce sujet, les bobards ne manquaient pas. Cherchant à savoir la cause de ce groupement, on disait que c'était pour la libération de ces prisonniers devenus autonomistes. Puis, tout d'un coup, ils étaient tous ramassés pour aller au travail en kommandos.
Car dans ce camp, on n'était guère que de passage, sauf les ouvriers titularisés au travail du camp : cuisiniers, bureaucrates, infirmiers, maçons, et les vidangeurs, fameuses culottes rouges des évadés repris, qui trainaient leurs marchandises tout le long de la journée dans le camp.
dessins faits par un prisonnier néerlandais au stalag IVB : Wim Van Hooff
Certains de mes camarades partirent au travail deux ou trois jours après leur arrivée.
Moi, je devais y rester trois semaines."