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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 16:41

"Pâques 1941. Tristes fêtes pour nous cette année derrière nos barreaux, privés de tout secours moral et religieux et dans l'impossibilité de remplir ses devoirs pascals. Nous n'avons même pas de messe, pas plus que les autres dimanches.

 


notre dame des captifs

                                          Mémoire et Avenir

 

 

L'usine ne marche pas le vendredi ni le samedi saint, le dimanche et le lundi de Pâques, soit quatre longs jours interminables pour nous, que nous passons renfermés dans notre chambre. Heureusement que le cantinier nous soigna assez bien pendant ces fêtes.


Les distractions devenaient rares, car nous étions lassés à la fin des jeux de cartes. Dans l'usine, nous trouvions heureusement de quoi pour faire quelques bricolages. Tout le monde fit sa valise en bois et des quantités de petites boites et coffrets en contreplaqué. On devenait un jour ébéniste, peintre, décorateur, tailleurs de chaussons, couturiers.


Cela n'empêche qu'il nous restait encore pas mal de loisirs, qui nous rappelaient le pays, en regardant le beau temps par les fenêtres barricadées. Toujours ce maudit cafard, cette bête noire comme disait Pierre l'Ermite" (religieux Français du XIe siècle, principal prédicateur de la première croisade)

"Qu'étaient devenues pour nous les belles fêtes de Pâques et les belles randonnées sous le soleil printanier. Si encore c'était la dernière à passer dans ces conditions ?

 

joueur de cartes

                            dessin Géo Fosty  Meurtre dans un oflag

 

 

Le dimanche de Pâques, nous apprenons par la radio qui nous est prêtée que les troupes allemandes avancent en Yougoslavie, et ont pris Belgrade et Salonique. La Yougoslavie capitule le 17 avril 1941.


Notre sentinelle est de nouveau changée le 19 avril. La nouvelle est aussi très gentille, mais plus réservée que Joseph. Elle parle très bien le Français.

 

Après nous avoir demandé notre avis, la sentinelle nous conduit à une église le dimanche 27 avril à treize heures trente, la cérémonie -laquelle?- commençant à quatorze heures. Nous faisons environ deux kilomètres en ville et arrivons à une église catholique assez coquette où de nombreux prisonniers, conduits en groupes, arrivaient des différents coins de la ville. Nous entrons dans l'église, où à notre grande joie et stupéfaction, la messe commence devant un millier de prisonniers. Ma joie et mon bonheur furent sans bornes. Nous chantons la messe.

 

priere

 

 

A l'évangile, l'aumonier allemand, parlant très bien le Français, nous adresse la parole et nous démontre le sens de notre vie, gravitant autour de l'espérance et de la confiance, source de vie chrétienne. Il nous annonce qu'il va nous donner l'absolution générale, et que nous pouvons communier en viatique" (sans obligation d'être à jeun, comme il était de règle à l'époque). "Mon bonheur est grand, car les fêtes de Pâques étaient passées et j'étais loin d'espérer une cérémonie semblable. A la communion, presque tous les prisonniers présents font leurs pâques.

 


prière

 

 Mémoire et Avenir

 

 

 

A la fin de la messe, on nous annonce que le dernier dimanche de mai, nous aurons encore notre messe. Ainsi, nous espérons avec joie pouvoir dans l'avenir remplir peut-être nos devoirs religieux et bénéficier d'un grand secours moral. Car depuis cinq mois que je travaille à Halle, je n'avais vu aucune église, ni eu aucune messe ni aucun office. Notre sort va peut-être s'adoucir par suite de la collaboration du gouvernement français?

 

 

 

 

 

                   Mémoire et Avenir

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous retournons à notre demeure. En cours de route, nous voyons des ouvriers français venus travailler ici, et ayant l'air de se moquer de nous et de nous narguer, ce qui nous met en colère contre eux, en nous rendant  notre sort encore plus amer.


Le dimanche suivant, nous faisons une marche dans la matinée, à travers un quartier ouvrier tout neuf, dans la banlieue de la ville. Nous admirons les belles lignées de maisons neuves modernes standard, très jolies et très bien tenues. La propreté est incomparable dans les rues et autour des habitations. Nos villes et certains quartiers de chez nous feraient bien d'en prendre de la graine.


Le vinqt-huit avril, paiement de vingt-cinq marks quatre-vingt-un.

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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 21:14

"Notre nouvelle sentinelle est un tchèque. Il est très chic et très simple avec nous. Il se familiarise sans manières. C'est un de la campagne, il vient souvent discuter avec nous.

 

Le 8 mars, paiement de vingt-huit marks quarante-et-un pour quatre semaines, soit environ un mark par jour.

 

 

Dans la nuit du 12 au 13 mars, à minuit, retentit une alerte, et pendant cinq heures durant, la D.C.A. crache ses projectiles. Notre ville n'est pas inquiétée, mais par contre, le lendemain,  nous apprenons qu'il n'en est pas de même pour plusieurs grandes villes: Berlin, Hambourg, Brême et Leipzig souffrirent beaucoup durant cette nuit. Des deux côtés, ce n'était que réciproque, les Allemands bombardant les villes de l'Angleterre toutes les semaines.

 

 

Bombard Hambourgruines reichstag berlin après bombardement allié

    Hambourg bombardé


                                                                              

 

 

 

 

 

 

 

Berlin: ruines du reichstag après un bombardement allié

 

 

 

 

 

 

Un jour, en allant au travail, je rencontre un ouvrier français venu travailler en Allemagne!

Il nous rapporte quelques nouvelles du pays. Faute de travail en France, et la famine se faisant sentir à Paris, beaucoup d'ouvriers viennent travailler dans les usines allemandes où le gouvernement de ce pays les recrute.


Un camarade de notre petit groupe est relevé pour cause inconnue et part au stalag le 22 mars. Il est remplacé le 27 par un menuisier spécialisé.


Paiement le 29 mars : vingt-huit marks trente-huit pour quatre semaines.



Le 1er avril, je reçois mes deux premières lettres-réponses. Il était temps! Depuis un mois et demi, j'étais sans nouvelles. Toutes les lettres que ma famille m'écrivit pendant le mois de février furent retournées. Ces premières lettres-réponses mirent un mois à faire leur tour en France, ce qui n'était pas exagéré.


 

 

postkarte guillaume           carte envoyée par son frère Guillaume, lui-même prisonnier

           au stalag XIA d'Altengrabow

 

 

lecture lettre

 

 

 

facteur 1 et 2

                                                             
facteur 3                     poème de Raymond Troye  Meurtre dans un oflag                                

 

 

 

 

 

Chose extraordinaire pour des prisonniers, nous sommes autorisés à envoyer nos économies chez nous. Mesure sûrement prise par les vainqueurs pour la propagande. Le 5 avril, j'envoie donc un mandat de cinquante marks à ma famille, sans savoir quand ils le toucheront et à quel taux il leur sera changé.

 

 

La situation est trouble dans les Balkans. La révolution éclate en Yougoslavie, et le gouvernement qui avait signé un pacte tripartite avec l'Allemagne est renversé. Le 6 avril, le nouveau roi s'étant rangé avec les Anglais contre l'allemagne, celle-ci déclenche l'offensive sur la Yougoslavie et la Grèce à six heures du matin, comme nous l'apprennent les ouvriers."

 


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13 juin 2010 7 13 /06 /juin /2010 18:20

"Nous touchons notre deuxième paye le 20 janvier, et à ma surprise, je reçus vingt-et-un marks vingt-quatre, ainsi que mes deux camarades qui travaillaient avec moi à la peinture. Trois autres, qui travaillaient aux machines, reçurent quinze marks quarante-huit, et le restant douze marks soixante. Cette différence de paiement fût la source de beaucoup de jalousie et de beaucoup de discussions dans notre petite société. Enfin, après quelques jours, le calme revînt.

 

Le mois de janvier se termina tristement comme il était venu, dans la neige, sans m'apporter d'autres nouvelles, ni aucune lueur de liberté prochaine. Et, au fur et à mesure que les semaines passaient, le travail devenait de plus en plus monotone. Le dimanche surtout était cafardeux, enfermés toute la journée sans aucunes distractions que les parties de cartes.

 

 

joueur de cartes 2                                dessin Géo Fosty       meurtre dans un oflag

 

 

Oui, les souffrances morales étaient grandes !

 

A partir du 1er février, nous sommes rattachés au stalag IVE d'Altenburg". (jusqu'à présent, le kommando dépendait du stalag IVD de Torgau)

 

"Le 7 février, je reçois de tristes nouvelles du pays, m'annonçant la mort d'un oncle survenue à Marseille où il était mobilisé et où il était tombé malade, et la disparition d'un autre oncle depuis le mois de mai 1940, lequel on croyait prisonnier, mais dont le manque de nouvelles faisait perdre espoir à la famille.

 

 

lettre yvette

             Guillaume étant son frère, lui aussi prisonnier en Allemagne

 

 

Le 7 également, on toucha une nouvelle paye uniforme cette fois, de ving-quatre marks soixante dix-huit. Avec cela, les coeurs étaient gais, vu que nous pouvions acheter de la bière à la cantine.

 

 

Le dimanche matin , 9 février, nous faisons notre première sortie officielle en ville. Mais sortie peu intéressante, c'était pour aller se faire vacciner au stalag kommando.

Nous faisons quatre ou cinq kilomètres pour nous rendre au stalag kommando de Halle, érigé à la sortie de la ville sur une plaine marécageuse. Arrivés là, beaucoup de prisonniers des environs nous avaient devancé et attendaient leur tour autour des baraques et de l'infirmerie, pataugeant dans la boue et la flotte jusqu'aux chevilles.

 

C'est là qu'on se rendit compte de notre bonheur, dans notre petit logement confortable et bien propre de notre usine, en comparaison de ceux qui logeaient ici dans ce sale coin, et qui se levaient à quatre heures tous les matins pour aller au travail à droite et à gauche, et avaient l'inconvénient d'être encore plus mal nourris que nous.

Après échanges de bonjours et de conversations sur notre sort avec les anciens camarades rencontrés là-bas parmi les nombreux prisonniers, nous étions parmi les groupes de prisonniers les plus favorisés qui travaillaient à Halle.

 

Au retour, tout notre petit groupe était satisfait et heureux de cette constatation.

 

Cette sortie se renouvela le dimanche suivant, de la même façon et dans le même but."

 


halle

                                    usine Kühn  début 1941

 

 

 

Avec cete photo, était jointe une liste de noms. Sans doute les soldats prisonniers avec mon père ? Mais elle comporte vingt-et-un noms, sans mon père. Hors, sur la photo et dans les écrits de mon père, ils sont un groupe de vingt.

ou peut-être ce sont des noms de camarades de régiment arrêtés avec lui ?

Je joins quand même cette liste ici, cela aidera peut être certains dans leurs recherches.

 

 

liste Halle

 

 

 

"Le 25 février, notre ange gardien est changé après trois mois de bons moments passés avec nous, où il vivait comme un roi. Quand il vint nous annoncer son départ et nous dire adieu, il avait le coeur bien gros, se demandant où il allait et ce qui l'attendait. En ce moment, personne n'envia son sort. Et sûrement, plus tard, il a du penser plusieurs fois à l'usine Kühn et à ses anciens prisonniers.

 

Sans autres changements, un nouveau mois finît, sans diminuer notre cafard, ce maudit cafard qui ronge l'esprit.

 

 

soldat cafard 1                                  site mémoire et avenir

 

 

Le 2 mars 1941, nous apprenons par la radio que la sentinelle nous prête, que les soldats allemands sont entrés ce matin en Bulgarie, par la Hongrie et la Roumanie. Une nouvelle phase de la guerre va-t-elle se dérouler ? Nous le souhaitons pour qu'enfin cela finisse. Nous vivons dans l'attente.

 

 

Ce mois, nous commençons à écrire des lettres et cartes doubles pour réponse, nos parents ne peuvent nous écrire autre que sur la feuille réponse. Nous souhaitons que cette mode nous permettra d'avoir des nouvelles plus régulièrement, car en ce moment,  les lettres du pays se font rares.

 


enveloppe yvette

 


 

Les tickets-adresses entrent aussi en vigueur.

Pour les colis, nous expédions le premier ticket le 23. Cela n'empêche que nous recevons les colis sans ces étiquettes.

 

Pendant le mois de mars, il en arriva beaucoup.

 


baraque des colis mea

                distribution des colis  site Mémoire et Avenir

 

 

Les colis mettent environ un mois à un mois-et-demi pour me parvenir."

 

 

 petit colis tout blanc                    poème de Raymond Troye   Meurtre dans un oflag

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12 juin 2010 6 12 /06 /juin /2010 18:20

 

 

"Le 21 décembre 1940, en rentrant du travail à midi, nous avons la surprise de voir un beau sapin installé dans notre dortoir, suivant la coutume très répandue en Allemagne. Dans chaque appartement, étaient installés des sapins de Noël, même dans les carrefours des rues en ville. L'après-midi, on garnit notre sapin de bougies électriques et de serpentins argentés.

 

Le 22 décembre, le patron, suivi de sa famille et de son ami qui parlait le français vint nous souhaiter une bonne fête et nous apporter quelques objets. C'est l'ami du patron qui, au nom de celui-ci, nous souhaita en français une bonne fête suivant la coutume dans les familles allemandes, et nous souhaita en plus meilleures fêtes pour l'année prochaine dans nos familles, espérant la guerre finie. On partagea son voeu.

Puis, chacun reçut un paquet de cigarettes, des lacets de souliers, trois boites de cirage, et une boite de graisse à souliers, plus une demi-douzaine de brosses entre la chambrée, et deux serviettes de toilette chacun.

 

En outre, le 25 et le 26, chacun reçut sa canette de bière. Nous autres, prisonniers rationnés, on aurait préféré un supplément de nourriture. Cela n'empêche que nous étions contents, car bien que les cadeaux étaient modestes, le geste était vraiment beau, surtout envers des prisonniers de guerre.

 

Pour la Noël, nous eûmes deux jours de repos, qui passèrent bien mornes, enfermés que nous étions dans notre dortoir.

 


 

meilleurs voeux

                            Raymond Troye  Meurtre dans un oflag

 

 

Où étaient les beaux offices de chez nous pour la messe de minuit? Ici, pas même la satisfaction d'avoir une simple messe basse, ni même aucun dimanche.


 

 


croix rouge 2

 


 

Le 29 décembre, arriva un envoi de la croix rouge française. Chacun eût trente-trois biscuits de guerre, et, à partager entre nous vingt, sept boites de singe et une boite d'une livre de beurre. C'était le deuxième envoi à peu près identique que nous recevions depuis notre arrivée en Allemagne. Les biscuits étaient toujours très appréciés, car ils nous remplissaient et allongeaient le pain que nous recevions en petite quantité.

 


croix rouge


 

Le 31 décembre, arrivèrent pour nous les premiers colis de France. Cinq d'entre nous eurent le bonheur de recevoir leur colis de cinq kilos. Leur bonheur fût partagé par tout le monde, étant sans nouvelles depuis notre arrivée en Allemagne deux mois auparavant. Cela nous donna l'espoir qu'on pensait encore à nous au beau pays de France, et que , peut-être, bientôt, suivraient des lettres et de nouveaux colis.

 

 

croix rouge 3


 

Le soir, avant de nous coucher, un camarade, entre nous, nous souhaita la bonne année et le bonheur qu'on attendait tous, celui d'être libre, dans un petit speech qu"il avait improvisé à notre insu.

 

 

1er janvier 1941: 197 ème jour de captivité

 

Journée de cafard pour tous, si loin du pays et de la famille. Enfermés toute la journée dans notre appartement grillagé et n'entrevoyant rien qui pourrait nous donner une assurance ou une espérance d'une liberté prochaine.

 

 


soldat cafard 2

                                                  site Mémoire et Avenir

 

 

Qui d'entre nous aurait pensé passer cette journée ici ? Sûrement, au début de notre vie de prisonniers, nous étions loin de nous en douter, après toutes les belles promesses qu'ils nous firent alors, et que nous avons eu le tort de croire. Hélas, les belles occasions de fuir étaient passées et maintenant, nous n'avions qu'à nous résigner à notre sort et attendre l'heureux jour tant désiré où nous retrouverions notre patrie bénie.

 

 

Le 4 janvier, je reçus mon premier colis de France, un colis de cinq kilos de vivres et qui contenait un pain recuit français. Ce fût avec plaisir que je dégustai le bon pain blanc, qui était parfaitement conservé, ce qui amena tous mes camarades à en demander dans leurs lettres.

 

 

contenu des colis MDO

                                       site meurtre dans un oflag

 

Ce colis mit plus d'un mois à me parvenir et était le premier signe de vie de ma famille, car je n'avais pas encore eu de nouvelles.

 

Ce jour-là aussi, arrivèrent les deux premières lettres pour notre petite société, et la semaine suivante, plusieurs de mes camarades furent favorisés dans leur attente.

Cette semaine-là aussi, nous touchâmes un autre don de la croix rouge, toujours bien apprécié à cause des biscuits de guerre.

 


distribution colis

                                         distribution des colis

 

 

 

                                                                                                                                  soldat lisant lettre MEA

 

 

 

Enfin, le 15 janvier, après trois mois de silence,

je reçus deux cartes, l'une de la maison, la seconde de la tante de Quimper.

Ces cartes, sans m'apporter de nouvelles fraiches ni longues, me causèrent quand même beaucoup de joie,

la première étant partie du 23 novembre et l'autre du 18 décembre."

 

 

 


 

 

 

 


regles correspondance

 

 

 

Mon père a gardé toutes les lettres et cartes reçues en captivité. En voici une des premières, envoyée par sa soeur YvetteLe demi-cercle en haut à gauche étant le cachet de censure allemande.

 

 

carte yvette

 

 

 


 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

carte yvette verso

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Présentation

  • : journaldecaptivite1940
  • : journal tenu par mon père Joseph Moalic lors de sa captivité en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale
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  • Brigitte
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